21 janvier 2025

Kamel Daoud – Houris : autopsie d’un « scandale »

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kamel daoud

Nous avons fait le tour de toute l’affaire du roman « Houris » de Kamel Daoud, dans cet article contenant l’intégralité des informations disponibles depuis l’éclatement de la polémique jusqu’à présent.

Me Fatima Benbraham a tiré à boulets rouges sur le romancier franco-algérien Kamel Daoud, accusé, avec son épouse psychologue, d’avoir volé l’intimité d’une femme algérienne, pour écrire son roman à succès « Houris ».

Dans une conférence de presse organisée jeudi dernier au sujet du roman « Houris » de Kamel Daoud, à qui une certaine Saada Arbane reproche d’avoir exploité son drame personnel pour rédiger son œuvre primée au Goncourt 2024, l’avocate a vidé son sac.

Lors de cette rencontre avec les médias qui a eu lieu au AZ Hôtels sis à Kouba, Me Benbraham ainsi que sa cliente ont donc expliqué de leur point de vue l’épineuse affaire, qui a éclaté au grand jour après l’annonce de la victoire de « Houris » de Kamel Daoud au Goncourt 2024.

« Le dossier médical de ma cliente, déposé chez son ex-thérapeute, la femme de Kamel Daoud, a disparu et l’enquête judiciaire mettra un éclairage là-dessus », souligne l’intervenante.

L’avocate va encore plus loin et note que c’est le président Macron qui a accordé la nationalité française à Daoud. Vu qu’il ne l’a pas obtenu par voie plus classique, il devrait, selon elle, servir celui qui la lui a donné au risque de la perdre.

La dame affirme par ailleurs que l’écrivain a écrit son roman en Algérie et l’a publié en France. Sous-entend-elle ici que la publication vise à s’en prendre au pays natal de l’auteur pour le compte de son pays d’accueil ? Ça en a l’air en tout cas.

Par la suite, elle s’étonne que Daoud, qui estime que les Algériens font une « fixette » sur la période coloniale et la guerre de libération, en les invitant à tourner la page, persiste à vouloir rappeler sans cesse « la décennie noire que lui, appelle guerre civile ».

« Daoud a volé la vie de ma cliente, son histoire et sa douleur et a dit ce qu’il voulait qu’on dise ».

« En résumé, il a construit son succès en brisant la vie de ma cliente et en neutralisant sa parole », s’indigne Me Benbraham devant les journalistes présents.

Puis, l’intervenante explique avec force que le terrorisme n’est pas né en Algérie, contrairement à ce que pourrait suggérer « Houris » de Kamel Daoud, mais il a voulu s’y établir.

Dans un registre concernant plus directement le règlement du Prix Goncourt, l’avocate rappelle que ce dernier exige que le récit participant à la course soit une fiction, chose que conteste fortement l’intervenante

En plus, ajoute-t-elle aussi, le livre qui candidate au Goncourt ne doit pas porter atteinte à la dignité de personnes vivantes ou décédées. Pour la dame, il est clair que le roman de Daoud ne répond en rien à ces critères.

Par conséquent, la professionnelle de droit se montre catégorique. À ses yeux, Kamel Daoud ne mérite pas cette récompense. « Il avait vendu son pays pour 10 euros, et même vendu les Français et la maison d’édition avec laquelle il travaille », lâche-t-elle.

La justice algérienne se saisit de l’affaire

Dans sa déclaration à la presse algérienne comme française, l’avocate révèle avoir intenté deux poursuites devant le tribunal d’Oran, à l’encontre de l’écrivain Kamel Daoud et au sujet de son roman « Houris ».

Il s’agit en fait de deux plaintes distinctes. L’une est déposée au nom de Saada Arbane, personne physique, pour utilisation non consentie de son récit de vie dans une œuvre littéraire et l’autre au nom de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme, pour diffamation des victimes de la décennie noire en Algérie.

Les accusations portées se présentent, selon la même source, comme étant « la divulgation du secret professionnel, la diffamation des victimes du terrorisme et la violation de la loi de réconciliation nationale ». Celle-ci interdit toute publication sur la période de la décennie noire allant de 1992 à 2002.

« Dès la publication du livre, nous avons déposé deux plaintes contre Kamel Daoud et sa femme, la psychologue qui a soigné la victime. La première était au nom de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme et la deuxième était au nom de la victime », informe effectivement Me Benbraham.

En réponse à la question « Pourquoi maintenant ? », elle assure que les plaignants n’ont pas attendu que le livre remporte le prix Goncourt au début du mois de novembre, pour déposer plainte, mais l’ont fait dans la foulée de la publication du roman en août dernier.

« Nous avons déposé les deux plaintes auprès du tribunal d’Oran, lieu de résidence en Algérie de Kamel Daoud et de son épouse, quelques jours après la parution du livre », signale en effet l’avocate.

« Cependant, nous n’avons pas voulu en parler pour ne pas donner l’impression que nous essayons de saboter la nomination de l’écrivain au prix », fait-elle remarquer.

L’attitude de Kamel Daoud devant la tempête médiatique

Le journaliste algérien et réalisateur de films documentaires Mohamed Zaoui rapport, dans un post sur Facebook, les détails de l’échange qu’il y a eu entre lui et Kamel Daoud à l’Institut du monde arabe à Paris, où l’écrivain était invité pour parler de son roman « Houris ».

Zaoui a profité du temps accordé au public pour poser ses questions afin d’interroger Daoud sur sa position vis-à-vis des accusations à son encontre, et qui suscitent une vive polémique actuellement.

L’écrivain l’a interrompu en l’espace d’un petit instant pour interposer une petit « je t’attendais », pour probablement signifier qu’il savait à l’avance que le journaliste algérien expatrié en France allait inéluctablement lui poser cette question en particulier.

Dans la même publication, Zaoui a exprimé sa surprise face à la réponse de Daoud. « Nous ne nous connaissons pas, pour qu’il me dise ‘Je t’attendais’. Pourquoi m’a-t-il dit ça ?! Je n’ai pas compris sa réponse ! », écrit effectivement le cinéaste.

« Ensuite, il s’est retranché dans le silence…

… et n’a pas répondu, mais l’animateur de l’événement m’a précisé que ce n’était pas le cadre convenable pour parler de ce sujet », relate-t-il encore.

Il assure ensuite s’être rendu plus prêt de Kamel Daoud pour l’interpeller. « Vous dites que vous êtes le seul à avoir écrit un roman sur la décennie noire, et tous les médias disent que les écrivains algériens ne peuvent rien publier sur cette époque », dit-il avoir lancé au romancier.

« Mais la vérité est que des dizaines de romans ont évoqué cette tragédie. En plus, il n’y a pas eu un seul écrivain qu’on a empêché en Algérie d’écrire sur cette époque, même si des lois l’interdisent ont été promulguées sous l’ère Bouteflika », a ajouté Zaoui.

Kamel Daoud paraissait « indifférent à ce que je disais », témoigne le journaliste qui dit avoir attendu la fin de la conférence pour dire à Daoud : « Monsieur Daoud, il y a des accusations contre vous, par quoi répondez-vous pour dire la vérité à l’opinion publique ?! ».

Le journaliste, voyant Kamel Daoud occupé à dédicacer son roman « Houris » et ignorant ses paroles, tente une invitation pour un entretien : « Je lui ai dit que peut-être pourrions-nous fixer un rendez-vous et vous pourrez répondre plus confortablement à mes questions ? ».

« Je ne peux pas, mon agenda est surchargé », aurait répondu l’écrivain avant de simplement ajouter : « La justice tranchera ».

La maison d’édition Gallimard soutient son écrivain

Selon ce que rapporte un journal français lundi, Gallimard, l’éditeur du roman « Houris » a dénoncé ce qu’il appelle une campagne diffamatoire contre Kamel Daoud.

Antoine Gallimard a démenti en évoquant de fausses allégations qui versent dans la diffamation. Pour lui, c’est indiscutable, le roman est bien fictif, malgré qu’il s’inspire de faits historiques.

Selon Gallimard, « le roman Houris s’inspire des événements tragiques que l’Algérie a connus dans les années 90, mais l’intrigue, les personnages et l’héroïne sortent tout droit de l’imagination de l’auteur », à savoir Kamel Daoud.

Vendredi dernier, la chaîne One TV a publié des extraits d’une enquête qu’elle diffusera ultérieurement, montrant la femme, victime présumée de Kamel Daoud, racontant que l’écrivain a pris les éléments biographiques de sa vie pour rédiger l’histoire de « Houris » et constituer son personnage principal, ainsi que beaucoup des personnages secondaires.

Selon la femme qui s’appelle Saada Arbane, Daoud a eu accès à ces détails relevant du domaine de l’intimité par la voie de son épouse chez qui la plaignante se faisait suivre.

Saada dit avoir raconté les détails de son histoire à l’épouse de Daoud chez qui elle était en psychothérapie, pour se débarrasser des séquelles psychologiques de l’attaque barbare dont elle a été victime, lors de la liquidation de sa famille par un groupe armé il y a 25 ans dans un village entre Tiaret et Djelfa.

Elle avait alors six ans et a miraculeusement survécu à l’assaut meurtrier.

Saada souffre d’une blessure au cou après la tentative d’engorgement qui avait échoué et à la suite de laquelle elle a perdu la capacité de parler normalement, à cause de ses cordes vocales grièvement touchées.

Saada insiste que le roman de Daoud ne représente pas le produit de son imagination, comme il le déclare aux médias français, mais plutôt une exploitation de son histoire sans sa permission libre et explicite.

Pour elle, l’œuvre littéraire qui éblouit les lecteurs francophones n’est rien de plus qu’une violation du secret professionnel.

Similitudes troublantes

La jeune femme, née en 1993 à Djelfa, a également passé en revue toutes les conversations, documents et rapports médicaux prouvant la véracité de ses propos.

Déterminée, elle assure ne pas compter garder le silence et renoncer à son droit. Au contraire, elle dit qu’elle va faire tout ce qui est en son pouvoir pour rétablir la vérité, car ce qui s’est produit constitue « une violation flagrante de sa vie privée ».

Saada a déclaré que tout colle dans le roman avec sa personne et sa vie : les cicatrices sur son visage, le tube respiratoire attaché à son cou, les tatouages ​​sur son corps, la tentative d’avortement, le salon de beauté, le lycée Colonel Lotfi, la nature de sa relation avec sa mère, l’opération chirurgicale qu’elle allait subir en France, et la pension qu’elle perçoit.

La jeune femme se souvient que Kamel Daoud lui avait proposé à plusieurs reprises de transformer son histoire en œuvre littéraire, lors d’une réunion de famille à son domicile, mais elle a fermement refusé l’offre.

Toutefois, un jour, elle dit avoir découvert avec stupéfaction, par l’intermédiaire d’une amie qui habite en France, que des personnes là-bas parlent d’un livre qui raconte exactement son histoire.

Saada Arbane assure avoir contacté l’épouse de Daoud et conversé avec elle sur un ton d’un calme irréprochable. La psy aurait répondu que le livre allait se transformer en scénario pour une adaptation au cinéma, et que cela va apporter beaucoup d’argent à tous les concernés. Arbane parle alors d’une tentative d’acheter son silence.

En outre, la femme de l’écrivain lui aurait dit que le roman ne parlait pas d’elle et lui aurait apporté un exemplaire, portant la signature de l’écrivain accompagnée d’une dédicace.

« Notre pays a souvent été sauvé par des femmes courageuses, et vous en faites partie, avec mon admiration », disait-elle.

La plaignante raconte aussi que dès la sortie du roman, elle recevait des appels de beaucoup de connaissances lui demandant pourquoi elle avait publié son histoire, et combien d’argent elle avait reçu pour avoir accepté, car tous ces gens, dit-elle, savaient parfaitement qu’elle refusait catégoriquement de le faire.

Toutes ces conversations au téléphone et les questions qui fusaient l’épuisaient, tant physiquement que moralement, se remémore-t-elle.

Avec des larmes plein les yeux, Saada clame que personne à sa place ne pouvait décider qui, quand et comment publier son histoire.

Pour l’instant, il n’y a eu aucune réaction officielle de Kamel Daoud ni de sa femme, concernant les accusations portant sur « Houris », un roman qui semble présenter toutes les caractéristiques d’un bestseller.

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