Ce président algérien a demandé la main d’une opposante à son régime
Le premier président algérien Ahmed Ben Bella a fini par épousé une femme auparavant viscéralement hostile à son règne.
C’est une histoire de mariage improbable entre un ancien président algérien, Ahmed Ben Bella en l’occurrence, et une journaliste et militante contre le régime en place à l’époque.
Dans un entretien télévisé qui remonte à plus de 20 ans, le défunt Ben Bella raconte au journaliste emblématique d’El Jazeera, Ahmed Mansour, comment une journaliste opposante est devenue la femme de sa vie.
Tout a commencé, alors que Ben Bella était encore président. Lors d’une tournée à Alger, arrivé à hauteur du siège du journal hebdomadaire étatique Révolution africaine, tout le monde au balcon applaudissait le président hormis une jeune femme qui s’abstenait.
« Je me suis dit, apparemment, j’ai une opposante dans mon propre journal [Révolution africaine était l’organe de presse central du FLN, NDLR] », se souvenait l’ex-président de la République algérienne naissante. « Son image s’est gravée dans mon esprit », confia-t-il également.
La jeune rebelle en question était Zohra Sellami, une journaliste originaire de M’Sila et militante maoïste à l’époque, ainsi que membre du Parti algérien de la révolution socialiste de Mohamed Boudiaf.
Le coup de l’évasion
Autre anecdote romanesque relatée par Ben Bella, sur celle qui allait devenir son épouse et sa fidèle compagne, concerne un épisode historique durant lequel la femme de Boudiaf a été arrêtée.
Il se trouve que Zohra Sellami l’avait aidée à s’échapper de son lieu de détention, et les deux femmes ont cru trouver refuge chez un militant du parti qui était en réalité pro-Ben Bella.
Ce dernier, averti de l’incident au milieu de la nuit, convie les deux complices chez lui autour d’un café.
Il a raconté alors avoir libérer la femme de Boudiaf et fait en sorte que Zohra ne perde pas son emploi à « Révolution africaine ».
C’est la deuxième fois que le raïs a affaire avec la demoiselle qu’il ne soupçonnait pas à ce moment-là de devenir son épouse, dans des circonstances futures complètement différentes.
Une lune de miel en prison
Des années après, il se retrouve en prison. Un jour, sa mère de 92 ans qui traversait régulièrement 600 km pour lui rendre visite, lui formule son souhait de le voir marié. Il avait répondu par un oui peu convaincu, car il ne croyait pas qu’il y ait une femme qui conviendrait à épouser un détenu.
Lors de la visite suivante, la mère du prisonnier lui présente plusieurs photographies de candidates au mariage atypique. Une seule en particulier lui saute aux yeux, c’est celle de Zohra Sellami. « Ah, l’opposante, c’est elle que je veux », a-t-il partagé à l’écran de la chaîne qatarie.
Informée, Zohra est partie voir Ahmed Ben Bella en prison. La demande en mariage de celui-ci inclut quand même trois conditions.
Premièrement, il l’a questionnée si elle était croyante. Deuxièmement, il lui a avoué qu’il était totalement fauché. Et troisièmement, il lui a clairement rappelé que sa vie était tout sauf un long fleuve tranquille.
À sa grande surprise, la jeune femme a accepté la demande en mariage, et a passé en tout sept ans et demi avec lui en prison. « Elle a radicalement changé ma vie », a lâché Ben Bella avec émotion.
Ils ont vécu ensemble jusqu’au décès de Zohra Sellami en mars 2010 à l’âge de 67 ans. Ahmed Ben Bella, quant à lui, a rendu l’âme en avril 2012, alors qu’il était âgé de 94 ans.